SI ON JAZZ’AY Festival – Édition 2016.
1er festival de Savenay :
Le jazz, entre tradition et actualité.
Texte du blog de Jean-Yves Martin
Dimanche 6 novembre 2016.
Le 1er festival de jazz de Savenay paraissait un pari fou, une initiative ambitieuse, comptant sur quatre jours plus d’une dizaine de prestations musicales d’une grande diversité et, à l’expérience, bien accueillies. Ces folles journées locales du jazz faisaient suite à un premier concert un an plus tôt. Sa programmation éclectique, assurée et animée par Jean-François Arthur, offrait un éventail assez complet d’un monde musical multi-facette proposé, jour après jour et, à peu de choses près, dans l’ordre inverse d’une histoire toujours jeunes bien que séculaire.
Le style d’Amaury Faye n’a rien de celui du banal piano bar, même s’il a « accompagné » l’inauguration du festival et de son exposition dans le hall de Ciné Nova. Confirmé par sa première partie d’un concert le lendemain, sa musique repose beaucoup plus sur l’harmonie, les chromatismes et les rythmiques syncopées – habanera, boléro ou batida – que sur les mélodies, en une sorte de méditation inspirée. Et, quand il s’en écarte juste un peu, son jazz flirte alors avec le classique.
Un duo remarqué à quatre mains d’Amaury Faye et de Thibaud Dufoy a assuré avec brio la transition vers le concert du Alyss Kalbez Trio. Thibaud Dufoy au clavier électrique, Alyss Kalbez lui-même à la batterie et Nicolas Algans à la trompette, donnaient force et dynamisme à un jazz expressif et percutant, avec des solos faisant le spectacle et emportant sans restriction la conviction.
Kat’Chapo en plein air ensoleillé et La Fille du Canal dans la salle Equinoxe ont proposé deux déclinaisons de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « jazz manouche », dont l’incarnation historique fut le quintette du Hot Club de France dans les années 40. Le répertoire ouvert au genre s’élargit aujourd’hui un peu à tout et offre même des compositions nouvelles. Mais ses standards s’imposent encore, avec des versions attendues et bien venues de classiques tels que l’incontournable Nuages ou Que reste-t-il de nos amours. Malgré toute la qualité des instrumentistes Django Reinhardt, inoubliable virtuose et mélodiste, reste un ovni mondial de la planète jazz, toujours imité, jamais égalé.
Le Holy Totsy Gang donnait un programme axé sur les standards du jazz Nouvelle Orléans puis du middle jazz des années 1918 à 1938. Un hommage justifié et brillant à Louis Armstrong.
Ce « vieux jazz » souvent ignoré parfois méprisé est en fait sa colonne vertébrale. Le concert, à visée pédagogique, en fait la démonstration. La « plus petite des petites formations », avec six musiciens, reproduit le schéma traditionnel : saxos alto et ténor, trombone à coulisse, cornet (trompette) à la Satchmo, banjo, perçussions avec washboard, et contrebasse acoustique dédiée à la walking bass. Quasiment année après année, les standards du genre ressurgissent du deep south ou de Chicago, convoquant les mannes de King Oliver et de Billie Holiday. Certains trouvent des prolongements après la seconde guerre mondiale, avec Fats Domino (My blue heaven). Mais quand une « ouverture » s’opère vers Duke Ellington et ses arrangements plus sophistiqués que la joyeuse polyphonie new-orléanaise, on mesure alors toute la qualité des instrumentistes, d’une facture et d’une précision quasi classiques. Malgré l’humour à la W.C.Fields du chef-présentateur, la prestation reste cependant retenue, voire un peu austère, les musiciens jouant assis même pendant les solos, surtout ceux de la section rythmique du second rang, à part pour le final libérateur au banjo.
Avec le Fredj Trio on pouvait s’interroger sur ce crooner pianiste des Mauges. En fait, son solide petit groupe ne se contente pas de revisiter de nombreux thèmes, en flirtant parfois avec les variétés et en puisant dans un répertoire apparemment hétéroclite.
Mais, balade ou samba, la voix de Frédéric Bourgeois reste toujours jazzie dans le scat, s’appuyant sur la basse élégante et chantante de Simon Mary et les rythmes sans esbroufe de Samuel Lecomte, excellent dans la batida brésilienne. De fait, dans sa prestation esthétique et raffinée, il apparaît peu à peu que l’une des principales références de ce groupe soudé est bien plutôt Éliane Elias, nouvelle voix internationale de la bossa nova.
Assurément ce 1er festival de Savenay offrait, on le voit, un panorama large et diversifié du jazz d’hier et d’aujourd’hui – en évitant les écueils de certaines écoles et périodes moins accessibles – ce qui fait espérer et attendre d’autres explorations attrayantes pour les années à venir.
Jean-Yves Martin (Jym 44 BlogSpot).